Marianne Cohn, une poétesse de la résistance française avec son poème "Je trahirai demain"



« Je trahirai demain »

 

Marianne Cohn est née à Mannheim en 1922, dans une famille d’universitaires de gauche et d’origine juive, dont l’existence fut mouvementée entre 1934 et 1944, entre exil et emprisonnement. Entrée en Résistance dès 1941, participant à la construction du Mouvement de Jeunesse Sioniste (MJS) de septembre 1942 à janvier 1944, sous le pseudonyme de Colin, elle se chargea de faire passer clandestinement des enfants juifs vers la Suisse. C’est lors d’une de ses actions qu’elle fut arrêtée, le 31 mai 1944, à 200m de la frontière, à Annemasse ( = probablement dénoncée ), alors qu’elle avait en charge une trentaine d’enfants, qu’elle refusa d’abandonner, alors que le maire lui avait proposé de s’évader. Emmenée dans la nuit du 7 au 8 juillet 1944 par la Gestapo, et assassinée, probablement après de longues séances de torture.

C’est donc en tant que Résistante, juive, et martyr torturée par les nazis, que Marianne Cohn est encore connue, mais aussi grâce à un poème, « Je trahirai demain », peut-être écrit de sa main, sans que cela soit sûr. Peut-on alors parler de poème de Résistance ou plutôt du poème d’une Résistance, sans rapport, en tout cas, avec les nombreux poètes (dont d’anciens surréalistes …) qui ont beaucoup publié durant cette période ?
Pour bien répondre à cette question, nous verrons, tout d’abord, comment ce poème évoque la Résistance, et plus encore la torture, alors couramment pratiquée. Puis nous nous intéresserons à la dimension lyrique de ce texte, qui exprime aussi bien la souffrance que l’espoir. Pour finir, nous nous intéresserons au destin particulier de ce poème, écrit dans des circonstances difficiles à définir, mais qui s’est finalement retrouvé dans l’anthologie de Pierre Seghers intitulée La Résistance et ses poètes, paru en 1975.


ANALYSE DU POEME :

 Le poème de Marianne est intéressant du double point de vue littéraire et historique. Le thème central est celui de la trahison. Ecrit en prison, elle évoque de façon réaliste ce qui l’attend, c’est-à-dire la trahison qu’elle va commettre à l’encontre de ses amis.
La poétesse est sur le point d’être torturée et ne veut à aucun prix trahir les autres résistants : "Je ne
trahirai pas" (v. 3). 

 Le poème:

« Je trahirai demain »

Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
 Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures

Avec des clous.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.
Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.
Marianne Cohn, 1943

CONCLUSION :

«Je trahirai demain» a donc de nombreux atouts qui expliquent qu’il demeure l’un des textes les plus reconnus
de cette époque. Les circonstances de son écriture sont tragiques, un certain mystère plane sur
son auteur effectif, il évoque des événements graves ne pouvant que toucher les consciences
contemporaines.
Pourtant ce succès, il le doit surtout à la force d’une écriture que l’on peut qualifier de
«poétique», c’est-à-dire de «créatrice».

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